16/06/2014

Rêver d'ailleurs

Le Masque de la tristesse d'Ernst Neizvestny, Magadane, photo Wikipedia
Parfois, je me balade sur la carte de Bruxelles juste pour avoir un petit coup de nostalgie en pensant, par exemple, au pont du Germoir, ce lieu essentiel de la ville. Les noms des rues d'Ixelles me font chavirer -- et oui, ça paraît ridicule -- car les noms de rues, de cafés (tiens, le Supra-Bailly est encore là), de magasins (Zao, qui me fait penser à Cécile), d'églises ou de monuments ont un fort pouvoir évocateur. Je n'ai pas vraiment de rapport émotionnel à la ville où j'habite depuis presque quatre ans, qui est pourtant plutôt plaisante (cinquième au classement des villes les plus agréables à vivre compilé par The Economist Intelligence Unit, pour ce que ça vaux évidemment, c'est-à-dire pas cher selon moi), mais peut-être un peu trop neuve et rectiligne à mon goût. Enfin, j'apprécie de pouvoir faire des balades dans les collines le week-end et de rencontrer des echidnas très mignons qui enfouissent peureusement leur nez pointu dans la terre, cela fait partie des avantages dont je dispose en ce moment.

Mon amie L. rêve de vivre à New York parce qu'elle s'y sent comme à la maison, moi je rêve de visiter des endroits comme Iekaterinbourg, Mourmansk ou Odessa (ne cherchez pas à comprendre, j'ai une sorte d'obsession (malsaine ?) pour l'espace post-soviétique ; je précise que ça n'a rien de politique), d'aller au Kamtchatka, à Duchanbe (capitale du Tadjikistan) et à Samarkand. Je n'irai probablement jamais parce que, soyons sérieux, si j'ai un peu d'argent en trop pour acheter des billets d'avion je m'en servirais pour venir faire un tour par chez moi, c'est tout (et c'est déjà très bien). Voyager coûte cher, surtout pour les radines comme moi qui n'envisagent pas un instant de loger à l'hôtel (vous imaginez, vous, le prix d'une chambre d'hôtel à Magadane ? d'un B&B à Novossibirsk ?). Je me contenterai donc de mes fantasmes puérils de Sibérie et de Congo (merci David Van Reybrouck), en attendant il me reste les livres et ce n'est pas si mal (d'autant plus que ça évite les déceptions -- en même temps, c'est inexplicable et incompréhensible je sais, mais je suis intimement sûre que j'adorerais Iekaterinbourg, si si si).

13/06/2014

Émotions et envies

Une rue près de chez moi

Le passage suivant, au début de Life & Times of Michael K, m'a fait pleurer à chaudes larmes. Deux fois.
'You don't know where I could get something to eat,' asked K. 'I haven't eaten since yesterday.' 'Man,' said the man, 'why don't you go and get us both a pie,' and passed K a one-rand coin. K went to the bakery and brought back two hot chicken pies. He sat beside his friend on the bench and ate. The pie was so delicious that tears came to his eyes. The man told him of his sister's uncontrollable fits of shaking. K listened to the birds in the trees and tried to remember when he had known such happiness. (Vintage Books, p. 30)

J'ai aussi pleuré en regardant Le hérisson dans le brouillard {ici}, et puis le suspense insoutenable d'un roman de Deon Meyer m'a donné des crampes d'estomac.

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Je n'aime plus le potiron, mais le passage suivant m'a redonné envie d'y goûter.

He lifted the first strip to his mouth. Beneath the crisply charred skin the flesh was soft and juicy. He chewed with tears of joy in his eyes. The best, he thought, the very best pumpkin I have tasted. For the first time since he had arrived in the country he found pleasure in eating. The aftertaste of the first slice left his mouth aching with sensual delight. He moved the grid off the coals and took a second slice. His teeth bit through the crust into the soft hot pulp. Such pumpkin, he thought, such pumpkin I could eat every day of my life and never want anything else. And what perfection it would be with a pinch of salt—with a pinch of salt, and a dab of butter, and a sprinkling of sugar, and a little cinnamon scattered over the top! Eating the third slice, and the fourth and fifth, till half the pumpkin was gone and his belly was full, K wallowed in the recollection of the flavours of salt, butter, sugar, cinnamon, one by one. (idem, p. 114)
Un roman policier israélien qui se passe à Holon, banlieue banale de Tel Aviv, m'a donné une terrible envie de lire la Lettre au père de Kafka. Ce que j'ai fait rapidement, d'ailleurs. À son tour, la Lettre au père m'a donné envie de lire Le monde d'hier de Zweig ainsi que Ma vie, l'autobiographie de Marc Chagall.

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Choses intéressantes :

Navigating the power of attention when it is part of what the cruel seek : brillance et subtilité à propos de la campagne #bringbackourgirls

Translating for Bigots, ou comment traduire pour un public plein de préjugés

The Dangers of a Single Book Cover

The Albertine Workout, un poèmessai à lire absolument.