01/05/2012

[Si Dieu est avec nous, qui peut être contre nous ?]

Il y a longtemps, j'ai habité à Paris. J'aimais bien acheter des gâteaux à la pâtisserie Aurore Capucine, endroit au charme suranné situé près du métro Cadet. Dans ce quartier éminemment intéressant se trouve aussi une épicerie arménienne vraiment très sympathique où, un jour, un vendeur m'a offert un œil de verre contre le mauvais œil. Je ne suis pas superstitieuse mais j'ai trouvé ça vraiment gentil.

C'est vrai qu'à Paris il y a plein de jolis magasins. C'est une ville un peu antipathique, faite pour dépenser son argent et aller au cinéma. Vous pourriez par exemple entrer dans une charmante boutique sise au 56 de la rue Daguerre, où je me suis ruinée il y a quelques années -- je vous laisse prendre l'initiative et me dédouane lâchement d'avance au cas où ce ne serait plus bien, c'était en 2006-2008 et l'eau a coulé sous les ponts, depuis.

J'essaie de vous tenir au courant de mes lectures puisque c'est la raison d'être de ce blog, après tout. Mais je dois soudain interrompre le flux de mes élucubrations à cause de cette merveilleuse expression, "raison d'être". Elle me fait penser à cet enfant (nommé Oskar Schell) qui aime les Beatles because entomology is one of [his] raisons d'être. C'était une spéciale dédicace aux fans de JSF, dont je ne suis pas.

Imaginez-vous qu'en 2003, j'ai lu un livre d'Emmanuel Todd et un autre d'Elisabeth Badinter. C'est fou, je sais. Heureusement que j'ai fait des progrès depuis : j'ai découvert Murakami Haruki, par exemple. Son dernier roman, 1Q84, m'a énormément plu. J'étais prête à tuer pour qu'on me laisse tranquillement le lire et j'ai eu des crampes d'estomac pendant toute la séance de massage du gourou, qui s'étend sur plusieurs chapitres. C'était follement fantastique et absolument essentiel, d'ailleurs j'ai déjà envie de le relire.

J'ai aussi commencé Le jardin des Finzi-Contini, qui me donne envie de visiter les nécropoles étrusques qui se trouvent près de Rome et de boire de la Skiwasser (quantités égales de jus de framboises et d'eau, plus grains de raisin et tranches de citron -- peut se boire chaude ou froide, selon la saison -- il s'agit d'une boisson délicieuse et élégante, authentiquement austro-hongroise).

Au chapitre 16 de la première partie de 1Q84, Tengo, un des deux héros du roman, retrouve dans un café de Shinjuku une jeune femme (à la poitrine remarquablement bien formée) qu'il doit préparer à passer une conférence de presse. Elle lui chante, en allemand, un petit extrait de la Passion selon saint Matthieu de Bach. Le texte est reproduit dans le roman (ce qui surprend le lecteur, tout comme Tengo est médusé par la performance de la jeune femme à la belle poitrine). La Passion selon saint Matthieu est un oratorio, c'est-à-dire une œuvre lyrique narrative. Je me rends compte que cela va me donner l'air d'une cuistre pédante (ce qui est assez pléonastique), mais tant pis : en fait, j'adore depuis longtemps les oratorios, en particulier l'Oratorio de Noël de Bach. Depuis quelques semaines, je passe une portion considérable de mon temps à écouter (et regarder) un autre oratorio, le Messie de Haendel, dans une version mise en images par William Klein et dirigée par Marc Minkowski. C'est un vrai film expérimental, qui a été diffusé dans le circuit des salles d'art et d'essai parisiennes il y a une dizaine d'années (je l'avais même vu, parce que j'habitais Paris à ce moment-là -- back to square one). Il est actuellement disponible en entier sur un célèbre site de partage vidéo, ce qui me permet d'avoir ma dose quotidienne de Magdalena Kozena (12 minutes 50), chœur de prisonniers du Texas (25 minutes 25), Charlotte Hellekant (51 minutes), Marc Minkowski en train de diriger (56 minutes -- avec en bonus le chanteur qui ressemble à Antonio Vivaldi et qui pourrait jouer, selon Charles, dans des period films), John Mark Ainsley (1 heure 19 minutes -- FRACASSER EN MIETTES). Et des images de Las Vegas (BEHOLD YOUR GOD), de jeux vidéo, la foule à Barbès, à Moscou et ailleurs, des scènes de ferveur angoissantes ou comiques, des manifestations, des gens qui brûlent le drapeau américain, un repas au CASH de Nanterre... (Vous pouvez lire un vieil article du NYT ici.) Pour moi, c'est une expérience visuelle et musicale vraiment unique et obsédante.

---

{Murakami, Haruki, 1Q84, Book 1 and 2 translated by Jay Rubin, Book 3 by Philip Gabriel, 2011 -- Shinchosha, 2009-2010}
{Bassani, Giorgio, Il Giardino dei Finzi-Contini, 1962}
{Klein, William, Le Messie, 1999}

27/03/2012

Retour en douce, plus une (longue) liste

Je voulais écrire un billet sur la comtesse de Ségur (née Rostopchine) et le lien entre cette célèbre auteure de littérature jeunesse et Guerre et Paix ; cela aurait été le point de départ d'une réflexion ambitieuse sur la façon dont on choisit ses lectures et sur les connexions, parfois étonnantes, qui s'établissent d'un livre à l'autre. Je n'y suis pas arrivée (et je n'ai même pas complètement fini de lire Guerre et Paix).

J'avais aussi envie de parler de cette sensation excitante que j'éprouvais, enfant, au début des vacances, grandes ou petites. L'idée de fêter Noël me ravissait. Cela me paraît incroyable aujourd'hui, où ce genre de fête prend quasiment l'aspect d'une corvée. Malgré tout, j'ai fait du pudding de Noël cette année, en suivant une recette adorée par les Australiens, beaucoup moins lourde que la façon de faire traditionnelle (pas très adaptée à un Noël estival, si j'ai bien compris -- en français contemporain on dirait que c'est "pouf-pouf", mais je ne suis pas sûre d'approuver).

J'adorais prendre le train de nuit Paris-Milan, c'était une aventure tellement excitante. Il y avait les couchettes à installer, les gens qui mangeaient des sandwiches au pâté, le balancement ferroviaire et, surtout, le paysage à regarder, le nez collé à la vitre. Les gares traversées, les villes où le train, parfois, s'arrête. Et cette idée mélancolique : comment serait ma vie si je vivais ici, dans cette petite ville provinciale, Dijon, Chambéry, Domodossola, Brig, Vérone ou Padoue ? J'avais une sorte de nostalgie de quelque chose que je n'avais pas vécu (j'étais déjà mal barrée, dans la vie).

Tant pis si j'ai l'air d'une vieille grincheuse (d'autant plus que j'en suis une, pour le coup) mais vraiment, pour moi, l'avion tue le plaisir du trajet, et donc un peu aussi du voyage. L'avion comme moyen de transport de masse fait partie de ces choses qui désenchantent le monde, et les aéroports manquent cruellement de charme. Bien sûr, il y a des choses tellement plus importantes, je n'en ferais pas un drame et, malgré tout, j'aimerais retourner un jour à Saint-Pétersbourg, la ville la plus belle que j'aie jamais visitée, et aussi aller à Odessa.

Heureusement, j'ai quand même lu quelques bons livres l'année dernière.
---

Lu (dans l'ordre chronologique)

Wodehouse, PG, The Inimitable Jeeves, 1924 (prêté par Fraser) -
Drakulić, Slavenka, As If I Am Not There - A novel about the Balkans, translated by Marko Ivić, 1999 (prêté par Lisa) -
Alexakis, Vassilis, La langue maternelle, 1995 (relecture) ++
Iordanidou, Maria, Loxandra, roman traduit du grec par Blanche Molfessis, 1994 -- Λωξάντρα, 1963 (cadeau de Iérassimos d'il y a presque 10 ans) ++
Le Callet, Blandine, Une pièce montée, 2006 (don maternel pour lire dans le train) -
Díaz, Junot, The Brief Wondrous Life of Oscar Wao, 2008 (relecture, achat) ++
Alexakis, Vassilis, Paris-Athènes, 1989 (achat) +
Ben Jelloun, Tahar, Le dernier ami, 2004 (achat) +
Alexakis, Vassilis, Ap. J.-C., 2007 (achat) ++
Binet, Laurent, HHhH, 2009 (achat) ++
Murakami, Haruki, What I Talk About When I Talk About Running, translated from the Japanese by Philip Gabriel, 2008 -- Hashiru koto ni tsuite kataru toki ni boku no kataru koto, 2007 -- Autoportrait de l'auteur en coureur de fond, traduit du japonais par Hélène Morita, 2009 (cadeau de Frauke pour mes 34 ans) -/+
Klüger, Ruth, Refus de témoigner, traduit de l'allemand par Jeanne Etoré, 1997 - weiter leben, 1992 (relecture, achat) ++
Smith, Dodie, I Capture the Castle, 1949 (relecture, cadeau de Lucie -- (me plaît toujours, mais pas autant que lors de ma première lecture -- le charme n'est pas aussi puissant la seconde fois) +
Hong Kingston, Maxine, The Woman Warrior -- Memoirs of a Girlhood Among Ghosts, 1976 (mooch) +
Pym, Barbara, Less Than Angels, 1955 (mooch) +
Kuznetsov, Anatoli, Babi Yar, translated by David Floyd, 1970 (1966 pour l'édition censurée dans la revue Yunost) (achat Amazon used books) ++
Paolini, Christopher, Eragon, 2003 (cadeau de Maxime) -
Flannery, Tim, Throwim way leg, 1998 (prêté par John Crawford) ++
La Plante, Lynda, Above Suspicion, 2004 (speed-readé vers la fin, prêté par Sara) -/+
Adichie, Chimamanda Ngozi, Purple Hibiscus, 2004 (prêté par Sara, à qui je l'ai offert) ++
Lindsay, Norman, The Magic Pudding, 1918 (prêté par John) ++
Lowry, Lois, The Willoughbys, 2008 (Grote Street Library) ++
Diski, Jenny, The Sixties, 2009 (cadeau de ma sœur) ++
Coetzee, J.M., Age of Iron, 1990 (achat à la librairie de la (très chouette) National Library, Canberra) +++
Adiga, Aravind, The White Tiger, 2008 (Grote Street Library) +
Alexievich, Svetlana, Voices from Chernobyl -- The Oral History of A Nuclear Disaster, translation and preface by Keith Gessen, 1997 (achat librairie) +++

Vu sur petit écran

The Squid and the Whale, Noah Baumbach, 2005, USA (++)
Katyń, Andrzej Wajda, 2007, Pologne (++)
Ben X, Nic Balthazar, 2007, Belgique (++)
Todo sobre mi madre, Pedro Almodovar, 1999, Espagne (++) (déjà vu à la sortie)
Summer Heights High, Chris Lilley, 2007, Australie (++) (série)
Midnight in Paris, Woody Allen, 2011, USA (+)

Vu sur grand écran

Tanzträume, Anne Linsel et Rainer Hoffmann, 2010, Allemagne (++)
Die Frau mit den 5 Elefanten, Vadim Jendreyko, 2009, Suisse-Allemagne (+++)
You Will Meet a Tall Dark Stranger, Woody Allen, 2010, USA-Espagne (++)
La Princesse de Montpensier, Bertrand Tavernier, 2010, France (+)
The Ghost Writer, Roman Polanski, 2010, France-Allemagne-RU (++)
The Social Network, David Fincher, 2010, USA (++)
Other, Tracey Moffat, vidéo (++)
Bridesmaids, Paul Feig, 2011, USA (-)
Harry Potter and the Deathly Hallows Part 2, David Yates, USA (-)

Expositions

Goldin, Nan, Scopophilia, Musée du Louvre, Paris, 2010 (diaporama)
Saatchi Gallery in Adelaide: British Art Now, Art Gallery of South Australia, 2011 (bof bof)
Handwritten -- ten centuries of manuscripts from Staatsbibliothek zu Berlin, National Library of Australia, Canberra, 2011

Concerts

Joan as Police Woman, Botanique, Bruxelles, 2011
Quelques autres, essentiellement du classique au Elder Hall.